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Vendredi 23 février 2001.

Pana – Antigua.

Je veux voir le marché de Solola. Je ne suis pas très motivé pour démarrer à cinq heures et demie, mais la fraîcheur de la rue encore plongée dans les ténèbres me remet les idées en place. Il fait vraiment frais le matin : je me gèle les rotules ! Je supporterais bien un pull, mais comme je sais que dans une heure il fera chaud, je prends mon mal en patience. Presque tout le monde dort dans ce grand car vert partant pour la capitale. Au fur et à mesure qu’on gravit la route menant à Solola, le jour se lève. Du violet, les volcans virent au bleu de cobalt ; le ciel perd ses teintes roses, et le décor baigne dans un camaïeu d’azur. Superbe !

À Solola, la place du marché est presque déserte. Seuls, quelques marchands de fruits ont posé leurs paniers à même le sol. Orange, vert, jaune, rouge éclatant des tomates, c’est une symphonie de couleurs auxquelles s’ajoute le bleu des vêtements de femmes de Santa Catarina. Une noria de bus déverse une cargaison de paysans courant vers la place, coiffés de baluchons, ou bien courbant l’échine sous d’énormes fardeaux. Certaines femmes portent leur bébé sur le dos et la table de leur étal sur la tête… On se croirait dans une fourmilière en pleine activité. Comme accompagnement sonore, les klaxons des bus ressemblent à des mugissements de paquebots. Tout ce monde s’affaire, circule dans les ruelles pavées si étroites que je me demande toujours comment les bus peuvent s’en sortir !

Dès huit heures, le marché prend un autre aspect : les gros baluchons des colporteurs se font plus rares, tout le monde a pris place. Les produits présentés sont très variés : des meubles, des outils, des fruits, des remèdes en flacons vantés à grands cris par des herboristes ou des charlatans… Certains prétendent même posséder l’huile qui fait repousser les cheveux des chauves. Il faut dire qu’ici, c’est très facile de profiter de la naïveté des gens par le biais de la médecine ou la religion. Les passages entre les étals sont si étroits et les chalands si nombreux, qu’il n’est guère facile de circuler ! Je n’ai jamais été aussi bousculé : on me marche sur les talons, quand je m’arrête, on me fonce dedans… Il faut reconnaître que c’est agaçant ! Les gens sont gais, souriants, et malgré leur vie rude, toujours à l’affût d’une farce ou d’une plaisanterie qui pourrait les amuser. J’achète une pièce de coton très colorée, tissée artisanalement, et je la noue sur ma tête à la place du bandana. Ça amuse tout le monde sur mon passage, alors j’en déduis que ce tissu doit être destiné à un autre usage.

Je remarque une fillette de huit ou neuf ans, assise sur les marches du kiosque à musique, fort occupée à écrire dans un cahier. Elle fait des lignes de « i » et de « ai » en tirant la langue. Je lui offre mon stylo pointe fine : elle croit rêver ! J’ai vu les gamins de son âge traverser le marché avec leur cartable sur le dos, et elle, elle essaye toute seule d’apprendre à écrire…

Dans la descente vers Panajachel, je n’ai pas le temps de savourer le paysage. Le car est bondé, nous faisons une descente sur les chapeaux de roues, et il faut s’accrocher ! Ça sent les freins, et c’est tout juste si les pneus ne sifflent pas dans les virages. La calle Santander est déjà bien animée à dix heures du matin : les « gringos » mangent leurs pancakes et leurs tranches de pain de mie couvertes de confiture de fraise, les musiques les plus diverses se mixent avec plus ou moins de bonheur, les commerçants accrochent les « chiffons bariolés » au toit de tôle de leur boutique !

Le car démarre à dix heures et demie précises. J’ai remarqué que les chauffeurs de grandes lignes ne plaisantent pas avec les horaires. Certains passagers restent debout, car nous sommes en surnombre. Le moteur hurle de rage et avale les rampes les plus sévères sans faillir. Ça sent un peu l’huile chaude, mais je pense que c’est normal ! Comme je suis devant, j’ai droit au spectacle des dépassements dans les virages, des chevaux au milieu de la route… Il faut s’attendre à tout ! Notre chauffeur conduit prudemment. Comme au Mexique ou en Thaïlande, il fait des signes aux chauffeurs arrivant en sens inverse. J’aimerais bien savoir si ce langage est international, car les signes avec la main ou les doigts, semblent appartenir à un langage très structuré. Le car continue à prendre des passagers sur le bord de la route, et je me félicite d’être arrivé suffisamment à l’avance pour avoir eu une place assise, car je plains les passagers debout dans la travée : entre les coups de freins et les virages, ils ont de quoi faire pour garder l’équilibre. Et le voyage dure deux heures et demie…

À Antigua, je trouve un hôtel très sympathique : ma chambre donne sur un petit patio orné de plantes vertes. Pour soixante quetzales, je suis aussi bien que dans un trois étoiles. Durant l’après-midi, je flâne dans les rues pavées. C’est le début du Week-end, et de nombreuses voitures sillonnent Antigua en tout sens. La ville se trouve envahie de gens venus de la capitale. Elle n’a plus l’air de cette ville de province que j’ai tant aimée la semaine dernière. Le soir, je dîne à « la gran muralla », un restaurant chinois ressemblant à ces vieux bistrots de campagne aux hautes portes largement ouvertes sur la rue. J’ai commandé un canard : il devait être centenaire, ou alors il est arrivé de Chine par ses propres moyens… En tout cas, il a les muscles en béton ! Rien n’est appétissant, et l’addition me fait froncer les sourcils ! J’aurais dû me méfier : il n’y avait aucun client attablé autour des affreuses tables de formica rouge.

 

Samedi 24 février.

Guate – Miami – Madrid.

C’est le jour du départ… Hier, j’ai retenu un taxi dès mon arrivée à l’hôtel. C’est la solution la plus sage et la moins onéreuse qui permet de partager le véhicule avec une autre personne se rendant à l’aéroport. Je monte d’abord dans une voiture, nous faisons le tour de la ville, nous récupérons un Allemand dans un hôtel, puis nous revenons au point de départ. Il est neuf heures et quart, et mon avion décolle à midi. Nous attendons un autre passager qui finit par arriver dans une autre voiture, et on me fait changer de taxi pour aller avec lui. Il est Hollandais, parle espagnol et se rend à Madrid par le même avion que moi. Dans la rue, nous commençons par foncer dans une voiture qui a eu la mauvaise idée de piler devant nous au moment où le chauffeur se retournait pour me parler. Les pare-chocs étaient déjà si cabossés qu’on ne peut constater aucun dégât récent. Jusqu’à Guate, heureusement que c’est de l’autoroute partout, car je n’ai aucune confiance au chauffeur : il semble parfois oublier que c’est lui qui conduit ! À l’aéroport, la taxe d’embarquement est de trente dollars ! ça fait un peu cher ! Le Hollandais n’a pas assez d’argent, alors je l’aide un peu et à ce moment, une copine Guatémaltèque vient le retrouver. Quand je finis les formalités pour la carte d’embarquement, je me retourne, et le gars est parti sans rien dire avec sa copine… bon, c’est de bonne guerre, on a parfois envie de se retrouver seuls au moment des « mouchoirs blancs »… mais là où je ne comprends pas tout, c’est quand je vois le gars traverser le hall avec deux cafés ! Il lui restait de l’argent… Moi, il ne me reste plus rien, et au contrôle des bagages, le policier constate que mon porte-monnaie est tout à fait vide, alors il me fait cadeau d’un quetzal en souvenir ! C’est la première fois que la police me donne de l’argent !

Nous faisons une escale à Miami, et le Hollandais a de l’argent pour s’acheter des friandises… À présent j’en suis sûr, le gars n’a aucun scrupule et pour lui, il n’y a pas de petit profit… Malheureusement, je remarque que cette tendance se généralise, et que le voyage n’est plus ce qu’il était, à cause de ces gens qui, justement, n’ont plus ni foi ni loi… Où est la bonne entente des années 80, quand le voyage était réellement une rencontre ?

Dans l’avion d’Iberia, le personnel est la preuve vivante que la compagnie aérienne ne leur octroie pas la retraite à cinquante-cinq ans. De plus, ils ne sont pas assez nombreux, alors forcément, le service laisse à désirer, et pour avoir un morceau de pain supplémentaire, c’est la croix et la bannière !

 

Dimanche 25 février 2001.

Madrid – San Sebastian.

À Madrid, l’avion de Fontarabie a deux heures de retard, juste à l’heure du repas… Ceux qui comptaient manger en famille n’ont même pas la consolation de savourer le moindre sandwich : la compagnie Iberia nous abandonne à notre détresse. C’est souvent ainsi sur les lignes espagnoles, et je crois que je ne voyagerai plus avec eux, sauf cas de force majeure !

J’arrive à Fontarabie à 15 h 00, dans un décor de montagnes enneigées : La Rhune, « les trois couronnes » et même le sommet du Jaizkibel sont blancs. Je débarque en short le foulard noué en bandeau… mais comme c’est jour de Carnaval, tout le monde croit que je suis déguisé !

 

 

 

fin

 

N'oubliez pas le guide ! Merci... merci... merci...